lundi 16 janvier 2023

J’en ai marre de les voir tous sourire comme si tout allait bien, comme s’ils vivaient dans le meilleur des mondes.

 

Je voudrais leur ouvrir grand les yeux, très grand, pour qu’ils puissent voir la réalité du désastre.

La grosse merde dans laquelle ils vivent. Cette boue qu’ils piétinent joyeusement, faisant semblant de ne pas la voir.

 

Je voudrais qu’ils osent regarder en bas, en dessous, pour y voir le visage de ceux qu’ils piétinent.

Car il y a des gens dans cette boue, qui crient, qui meurent, qui supplient qu’on les entende.

Mais personne ne les écoute, et personne ne les regarde.

 

Il est plus facile de les ignorer, pour continuer à leur marcher dessus tranquillement.

Il est plus facile de regarder ailleurs, pour continuer à sourire tout bêtement.

 

Je voudrais tellement qu’ils arrêtent de faire semblant.

Que le bleu de leur ciel devienne un jour, lui aussi, tout marron de boue.

Que l’un d’entre eux trébuche et tombe, pour se retrouver avec nous.

Et comment verrait-il le ciel, alors ? Continuerait-t-il de sourire ? Appellerait-il ses amis à l’aide ? Ses amis, qui deviendraient sourds tout à coup, et marcheraient sur lui sans faire de manière…

 

Je voudrais arracher leur joie, arracher leurs dents tout sourire, arracher leur cœur. Pour qu’ils sachent que nous existons. Pour qu’ils nous rejoignent, peut-être.

Et pour qu’ils comprennent, enfin.

 

La vie n’est pas rose-bonbon, la vie n’est pas bleue du ciel. Tu te mens à toi-même si tu fais partie de ceux-là.

 

La vie, la vraie, elle se passe en dessous, dans tout ce que tu ne regardes pas.

 

Un jour, toi aussi tu finiras dans la boue, toi aussi tu nous rejoindras.

En nous ignorant, tu ne fais que retarder ton propre désastre.

 

J’ai croisé ton fantôme dans les couloirs.

Il avait une sale gueule.

 

Je pense que tu devrais peut-être l’arranger un peu pour la prochaine fois.

 

A moins que les fantômes soient le reflet de ce que nous sommes à l’intérieur… Et dans ce cas, c’est la vraie version de toi que j’ai croisée.

Tu aurais pu me prévenir que tu étais si laid. Cela m’aurait fait gagner du temps.

 

Tu aurais pu, je ne sais pas moi, faire un ravalement de façade de ton vivant.

Tu sais, ce genre de conneries comme te remettre en question, être un peu plus humain, faire le bien autour de toi. Au lieu de… Tout ce que tu as fait, quoi.

 

C’est dommage, presque du gâchis.

 

Je suis sûre que si tu avais su que ta laideur se verrait plus tard, tu aurais fait des efforts.

Mais tu te sentais beau, alors tu t’es cru tout permis.

 

Et tu étais beau c’est vrai, mais maintenant que tu es mort… tu n’es plus très attirant.

Ton âme est si tordue, si déchirée, tellement ridée. Quand je t’ai croisé, je t’ai reconnu seulement à tes yeux, c’est pour dire.

Encore que, même eux avaient perdu cette fausse lueur que tu leur donnais.

 

Mais ton regard, ça oui, je m’en souvenais.

Des yeux perçants, brillants du pouvoir que tu avais sur tes victimes.

Des yeux qui souriaient à une époque, riant du mal que tu savais faire.

 

Eh bien je n’y ai pas cru mais ici, coincé dans ce labyrinthe sombre et froid où tu es désormais, j’ai vu tes yeux pleurer.

 

Et tu sais quoi : j’ai aimé.

J’ai aimé te voir ainsi, enlaidi, nu, perdu et pleurant. Implorant, même.

 

Bien sûr, toi, tu ne m’as pas reconnue quand tu m’as croisée.

Nous étions trop nombreuses et tu ne pouvais pas te souvenir de toutes. Pourtant, chacune d’entre nous se souvient de toi…

 

Et j’irai leur dire, tu sais. J’irai leur dire ce que tu es devenu.

Car, je ne suis pas morte, moi. Et elles non plus.

 

Je ne suis pas morte et pourtant je t’ai vu. Parce que j’attendais un signe, ou quelque chose comme ça… Et maintenant je l’ai eu. En te voyant j’ai compris.

Continue de pleurer, coincé dans ta misère.

Moi, je m’en vais vivre à fond toute la vie qu’il me reste.

 

 

 

Puisque je suis condamné

À rester enfermer avec mes démons,

Autant faire de cet endroit une belle place.

 

Je vais allumer un feu et quelques bougies,

Dépoussiérer un peu l’endroit

Pour y voir plus clair,

M’installer sur ce vieux canapé,

Me mettre à mon aise…

 

Voilà.

 

Maintenant,

Je suis ici chez moi.

 

L’enfer est mon domaine.

 

Ce ne sont plus les démons qui me hanteront,

C’est moi qui les hanterai.

Qu’ils soient ainsi prévenus.

 

jeudi 29 septembre 2022

 

J’apprends à vivre avec les monstres.

J’apprends à regarder, droit dans les yeux, le trou noir qui vit en chacun de nous.

 

Peu à peu je m’habitue, à l’obscurité, au sang.

Le goût et l’odeur du rouge ne me dérangent plus, au contraire…

La vue d’une tête tranchée ne m’effraie plus non plus.

Les cris d’effroi, la terreur… Je m’habitue.

 

Ce monde n’aura bientôt plus aucun secret pour moi.

 

J’apprends aussi… le monstre en moi… Celui qui n’hésiterait pas à couper de sa lame n’importe quelle langue trop bien pendue, n’importe quel ange perdu.

Il a les poils doux et le regard fou, il aime terroriser ceux qui s’aventurent aux frontières.

Et je l’aime. Pour sa douceur, pour sa force, pour son regard noir et clair.

 

Il goûte le sang de ceux qu’il tue, et je goûte avec lui pour le connaître.

J’aime la saveur de miel des sangs innocents, j’en bois toujours plus qu’il ne me faudrait… Il me gronde et me demande de lui en laisser quand même : après tout, c’est de son repas qu’il s’agit, pas du mien.

 

J’apprends les monstres, et j'en apprends sur moi…

De ma délicatesse dans les gestes nécessaires à ouvrir un ventre, ou arracher des intestins, et de ma force pour broyer correctement un cœur.

 

Jusque-là, j’ignorais de quoi j’étais capable, jusqu’où je pouvais aller.

Mais grâce à eux, je sais. Et plus rien ne m’effraie.

J’en ai marre de les voir tous sourire comme si tout allait bien, comme s’ils vivaient dans le meilleur des mondes.   Je voudrais leur...